Un fait divers tragique
Hassan veut faire un travail sérieux, un récit qui se tient pour mettre des mots sur son histoire. Il se lance dans une entreprise laborieuse pour comprendre comment son frère a perdu la vie. Les faits sont aussi simples que tragiques : un soir froid d’octobre des CRS effectuent des contrôles routiers dans le quartier de la Busserine dans le 14e arrondissement de Marseille. Cinq jeunes se font contrôler. A la fin de la vérification, un jeune CRS tire sur un des garçons : Lahouari Ben Mohamed. Le jeune homme meurt à 17 ans ce 18 octobre 1980 laissant une famille et tout un quartier dans la stupeur et l’incompréhension.
De 1980, date de la mort du jeune homme à 1987, date de la condamnation de son assassin, c’est le ballet des journalistes dans le quartier. De nombreuses initiatives comme la chanson Yaoulidi ou la pièce de théâtre du même nom porteront l’histoire de Lahouari dans la mémoire collective. Mais son jeune frère cherche quelque chose de plus profond.
Un travail de mémoire
Il mène cette enquête avec la tête froide mais aussi une grande rigueur. Il a besoin de savoir, de comprendre ce qui reste un tabou familial. « J’ai eu accès au dossier judiciaire, aux archives photos et vidéos de certains journalistes ». C’est un travail minutieux de quatre ans de recherches, de rencontres pour trouver ces informations qui lui font défaut avant de rédiger son livre.
« Je ne cherche à pas à réhabiliter mon frère, ce n’est pas utile, il n’avait rien à se reprocher et c’est avéré. Je voulais énoncer des faits qui montreraient qu’il a été victime d’un crime raciste. Pour sa défense, le policier a simplement dit « je n’ai pas fait exprès ». Pourtant le doute est permis puisque selon les témoignages, ce CRS aurait déclaré lors du contrôle comme un avertissement : « Attention les jeunes, je ne sais pas si c’est le froid mais ce soir j’ai la gâchette facile… »
Rétablir le dialogue
Cette quête c’est aussi une envie de dialogue. Le livre n’est pas centré sur son auteur, il donne la parole aux acteurs de l’époque. Les premiers chapitres sont écrits à la première personne pour que Lahouari soit lui aussi présent. Leur sœur ainée signe aussi un chapitre où elle évoque son ressenti. C’est un livre qui délivre la parole et interroge sur le racisme, les liens sociaux et la famille. « Et puis 35 ans après il fallait aussi effacer la haine, se reconstruire et boucler la boucle ».
Et quand on demande à l’auteur ce qu’il l’a le plus touché durant ce voyage dans le temps, il répond du tac au tac : « La réaction de ma mère qui m’a dit que tout le monde attendait ce livre, que maintenant le combat était terminé ».
La Gâchette facile de Hassan Ben Mohamed aux éditions Max Milo.