Au pied d’un immeuble du quartier de la Sauvagère, dans le 11e arrondissement de Marseille, la voiture d’Arts et Développement avance. Ici, tout le monde connaît le véhicule. Pour les animateurs et bénévoles de l’association, le décor ne change pas. «On va tout installer, c’est presque l’heure», lance Caroline, responsable d’atelier. L’équipement est d’une grande simplicité: une bâche sur le sol, des pinceaux, de la peinture, des planches pour accrocher les feuilles et des cordes à linge pour sécher les peintures. Une nouvelle bénévole s’inquiète: «Comment ils savent que nous sommes là?». Caroline la rassure: « Ils le savent, par le bouche à oreille où par les centres sociaux, ils ont l’habitude ». A 10 heures, les enfants sortent de l’immeuble en courant. Instinctivement, ils se mettent en file indienne, déclinent noms, prénoms, âges et récupèrent une feuille et de la peinture.
Cohésion sociale et mode d’expression
Depuis 23 ans l’association vient à la rencontre des jeunes des cités et propose des activités artistiques entourées par des animateurs professionnels, des bénévoles et des artistes. « Notre objectif: un artiste pour un quartier. Les enfants le côtoient au long terme, ça permet de créer des liens et d’instaurer une relation de confiance », explique Caroline.
Ces ateliers transforment la rue en espace de rencontre et utilise l'art comme un outil au service de la cohésion sociale, de la valorisation de la diversité des cultures et des modes d’expressions. Il s’agit d’instants de partage et d’apprentissage où chaque enfant est libre de créer. « Ils ont envie d’apprendre de nouvelles techniques ou comment créer de nouvelles couleurs. Pendant les deux heures où nous sommes ensemble, on discute beaucoup », explique Claire Dantzer, l’artiste présente à la Sauvagère et à Benza (11e). En créant, les enfants s’évadent et se révèlent. A l'aise avec la peinture ils dessinent leur quartier, leur famille et des émotions «qu’ils n’arrivent pas à exprimer avec des mots».
Rompre un triangle infernal
L’association est née à l’initiative de Loïc Chevrant Breton « avant même de créer l’asso, il allait au pied des cités avec son chevalet », raconte Yola Dellière, directrice d’Arts et Développement depuis 2008. Aujourd’hui, elle compte une vingtaine de bénévoles et ses ateliers se déroulent dans huit quartiers de Marseille (9e, 10e, 11e et 14e), mais aussi ailleurs dans la région.
« Ces ateliers permettent de rompre ce triangle infernal entre la cité, la maison et l’école». Ils sont créateurs d’échanges, de liens durables et de souvenirs. « J’ai gardé de bons souvenirs des visites aux musées avec ma mère. Je me rappelle de cet opéra qui signait la fin de la carrière d’un ténor. Il était ému, moi aussi. Et ces enfants, ils auront quoi comme souvenirs ? ».
De temps en temps, l’association propose des ateliers réservés aux adolescents « avec les petits, ils ne veulent pas venir. Nous utilisons des techniques comme le graffiti ». Et pour sortir de la cité, les équipes amènent les jeunes à des manifestations culturelles pendant l’année, et d’autant plus cette année avec MP2013 « on veut qu’ils se sentent concernés ». Mais l'association semble en danger: « Nous n’avons pas encore de financement cette année. On se demande toujours qu’est ce qu’on dira aux enfants lorsqu’on ne pourra plus venir. Ce serait paradoxal que notre association meure en 2013. Cette année, c’est quand même aussi la leur ».
Pour en savoir plus sur l’association et pour suivre son actualité.