Marseille Espérance rassemble depuis 25 ans autour du maire de la Ville, les chefs religieux des principales communautés. Cette association symbolique, respectée mais peu visible sur le terrain et mal connue, « est un acteur de paix sociale et non de l'interreligieux, qui n’intervient que lorsque le besoin s’en fait sentir. Les réunions se passent à la mairie et nous sommes dans un système laïque », précise Salah Bariki, l’un des membres fondateurs.
Pour les personnes engagées dans l'interreligieux, il est important de prendre conscience que le dialogue est un enjeu majeur. Qu'il faut mieux s'organiser et inciter les gens à se former pour apprendre à se connaître.
Enseigner le vivre-ensemble
« La formation religieuse et interreligieuse est un enjeu fondamental pour l’éducation », explique Sœur Colette Hamza, déléguée diocésaine pour les relations islamo-chrétiennes à Marseille. Tous les mois, elle se rend dans l’école catholique Notre Dame Saint-Théodore, où 95% des élèves sont musulmans, pour parler de religion. Ces échanges sont primordiaux : « ce qui est important c’est d’abord qu’ils connaissent mieux leur propre religion, et qu’ils aient une connaissance de celle de l’autre pour comprendre qu’on peut vivre ensemble ». Pour elle, il faudrait multiplier et généraliser ces rendez-vous dans les écoles « surtout là où les élèves sont majoritairement musulmans pour qu’ils se confrontent à l’altérité. La communauté musulmane est en construction, les imams se rendent compte de l’importance de se rassembler ».
Des propos qui rejoignent ceux de l’imam Abdelssalem Souiki : « Notre avenir se fera grâce à la famille et l’école. L’Islam en France est une religion fraîchement établie, elle a besoin d’être coachée par des religions plus anciennes, pour grandir ensemble. L’Islam a une chance d’être en France pour offrir à ses textes la meilleure des interprétations ».
Respect de l’autre par la connaissance mutuelle
Suite aux évènements qui ont eu lieu à Paris en janvier 2015, une conférence-débat, Au nom de Dieu ?, a été organisée le 12 janvier par l’association Chemins de Dialogue, avec l’imam Abdelssalem Souiki, le rabbin Lionel Drai, le père Xaxier Manzano, et présentée par Rémi Caucanas, directeur de l’Institut Catholique de la Méditerranée. Tous ont été surpris de l’affluence du public : « Partout on ressent l’urgent besoin d’en parler », continue Sœur Colette Hamza.
Depuis quatre ans, il existe un groupe imam-prêtre qui se rencontre tous les deux mois sur des thèmes choisis en commun. Ce groupe fait le pari de se comprendre en apprenant la religion de l’autre « pour établir une parole commune et la rapporter dans les mosquées et les paroisses ». Du côté de l’Église catholique, il existe aussi l’Amitié Judéo Chrétienne qui organise régulièrement des conférences.
D’autres groupes informels sont présents localement, « des gens qui se rencontrent pour échanger, partager un repas ou parler de l’éducation des enfants. Ils permettent de se rendre compte qu’on se pose les mêmes questions et qu’on peut y répondre ensemble », souligne-t-elle.
La culture, l’autre perspective du dialogue
Parmi les actions concrètes, le Centre Edmond Fleg (centre culturel juif de Marseille) propose, entre autres, de favoriser le dialogue par la culture. Partant du constat que la religion fait partie de la sphère privée, le centre travaille dans un sens laïque : « Nous avons établi des partenariats avec des centres culturels et le monde associatif, pour promouvoir leur identité », explique Martine Yana, directrice du Centre Edmond Fleg.
Avec son collectif, Tous Enfants d’Abraham, qui réunit Protestants, Catholiques, Arméniens, Syriaques, Musulmans et Juifs, elle crée des expositions pour « montrer ce qui rassemble et non ce qui divise ». Elle aborde des sujets délicats comme Abraham ou Jérusalem : « Il est difficile de croiser les points de vue, alors nous prenons le parti de les juxtaposer. La culture et l’identité, c’est peut être par là que l’on doit passer pour mieux vivre ensemble, c’est notre perspective du dialogue ».
Un manque de cohésion
La seule association totalement dédiée à l’interreligieux reste la branche marseillaise de Coexister avec ces trois volets : le dialogue, la sensibilisation et l’action. « On a la particularité d’être une ville multiculturelle et multiconfessionnelle, mais ce qu’on constate c’est un manque de cohésion entre ces groupes et au sein même d’une religion ou communauté. Il y a des gens qui agissent, créent des ponts, mais j’ai envie qu’on aille encore plus loin », confie Samir Akacha, président de Coexister Marseille.
En collaboration avec Culture Dialog.