WANNA WATITI signifient ici "petites filles". ©Martina Bacigalupo

Délivrer la parole

Au travers de l’exposition WANA WATITI de la photographe Martina Bacigalupo, c’est le sujet du mariage précoce aux Comores et de ses ravages sur la Femme qui est survolé.

Ce projet est la collaboration de plusieurs organismes et acteurs locaux qui veulent dénoncer une violence peu reconnue, sur la Femme comorienne. L’Alliance Française de Moroni a fait appel à Martina Bacigalupo, connue pour son travail engagé en Afrique. Elle parcourt tout le pays et met en lumière un sujet sensible : le mariage forcé et précoce.

Une exposition engagée

« Sur 300 photos, on a sélectionné 25 portraits », déclare Chabani Bourhane, syndicaliste et militant pour les droits des femmes. De grands tirages en couleurs accompagnés de citations. Ces jeunes femmes expriment une parole trop longtemps bafouée.

Des pratiques illégales lorsqu'on sait que la loi votée en 2005 n'autorise le mariage qu'à partir de 18 ans. Comme tout pays pauvre, quand l’éducation n’est pas une priorité de l’État, on retrouve les mêmes dynamismes, ceux du statut de la femme malmenée, vivant sous le joug des traditions. « On a vu des enfants de 12 ans venir accoucher, on a enquêté et on s'est rendu compte de l’ampleur du phénomène. En deux semaines, on avait trouvé 35 jeunes filles mariées avant leur 18 ans », raconte Anais Ahmed, psychologue clinicienne.

Dénoncer et exposer des pratiques banalisées par la société et les services publics, c’est la mission que s’est donnée l’équipe à l’origine de l’exposition. « On a rencontré une jeune fille mère de 16 ans qui voulait continuer ses études. On s’est dit qu’on devait agir, sensibiliser, témoigner et montrer que quelque chose d’anormal se passe dans le pays », déclare Chabani Bourhane. Un travail compliqué qui se confronte au malaise d’une société se cachant derrière des tabous par peur des on-dit. Grossesses, poids des traditions, la femme devient le sacrifice de l’honneur familial.

Une violence normalisée

« On s’est déplacé chez eux, il a fallu les convaincre, parfois parler avec les familles souvent peu conscientes du problème », ajoute la psychologue. Ceux qui osent élever la voix se retrouvent isolés. « Quand ils réalisent la situation ils ne savent pas comment agir car la justice ne les soutient pas. » Une crainte fondée que l’on ressent dans certains témoignages : quelques visages cachés, des noms changés. « Les conséquences sanitaires et sociales sur ces jeunes filles sont énormes. Elle vivent dans une pauvreté absolue, sans oublier les séquelles psychologiques », explique le militant. Parfois abandonnées par leurs époux et souvent sans éducation, ces mères enfants finissent par tomber dans la prostitution.

Exposée depuis quelques mois aux Comores avant d’arriver en France, WANA WATITI veut interpeller la communauté comorienne française, éveiller les consciences. « Nous avons décidé de venir ici car nous savons que notre communauté joue un rôle important et peut  faire bouger les choses. »

Un message qui trouve écho dans la métropole. Même si l’âge légal est respecté, certaines sont confrontées à des mariages forcés où la pression familiale reste énorme. Anais ahmed conclut : « Dans un centre d’Aubervilliers, on a découvert deux comoriennes forcées aux mariages. Ça concerne tout le monde, aujourd’hui et demain. »

L'exposition s'est déroulée jusqu'au 8 avril 2017 à la Bourse départementale du travail de Bobigny à Paris.

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