Elle raconte que la ferme est née d’une passion et de rencontres : « Je suis franco-colombienne, j’ai grandi dans le sud de la France. Je viens d’une famille qui était assez pauvre, mais chaque semaine on achetait un bouquet au marché aux fleurs à Nice ».
Lorsqu’elle s’installe à Montréal, il y a plus de dix ans, Alice pilote des projets alliant les arts, l’implication citoyenne et l’agriculture urbaine : « J’ai notamment monté Les Jardineries au Parc Olympique et implanté une prairie mellifère [ndlr : des fleurs qui plaisent particulièrement aux abeilles] j’avais fait un partenariat avec une fleuriste qui les fait pousser. Cette rencontre et la dimension des fleurs locales a été une révélation ».
Plus tard, c’est sur une ferme maraîchère qu’elle rencontre Thierry Bisaillon-Roy, alors étudiant en gestion d’entreprise agricole biologique. Un jour, le couple tombe sur un terrain à vendre pour une bouchée de pain : « Une terre paradisiaque avec une forêt, une parcelle défrichée, un étang et un verger. La seule condition c’était d’avoir un projet en agriculture ».
« Thierry et moi on s’équilibre, on a des compétences complémentaires. Petit à petit ça s’est dessiné avec l’idée de faire pousser des fleurs écologiques, locales et amener une conscientisation de l’agriculture de proximité. »
Une alternative locale
On parle souvent de l’importance d’acheter des produits locaux, d’être attentif à la provenance de ce que l’on consomme, que ce soit pour la santé, l’environnement ou l’économie locale, mais « au niveau de la fleuristerie, on est encore en retard », déplore Alice.
Actuellement, la majorité des fleurs coupées que l’on trouve sur le marché canadien proviennent des Pays-Bas, de l’Équateur, de la Colombie et du Kenya : « L’impact environnemental de ces fleurs est catastrophique : elles poussent dans des champs de monoculture, à l’autre bout de la planète, sont acheminées en avion, réfrigérées et une fois au pays, elles sont transportées partout en camion. Elles poussent sur des terres qui vont être inondées de pesticides, dont la concentration est parfois supérieure à la limite autorisée au Canada. C’est contre-productif, mais mettre son nez dans un bouquet de fleurs, c’est vraiment pas une bonne idée! ».
L’objectif derrière Enfants Sauvages est d’« offrir une alternative » avec des fleurs saines et locales dont la production respecte le rythme des saisons.
« On veut ramener le côté inédit de la saisonnalité des fleurs, comme avec les fruits et légumes : la floraison d’une renoncule c’est à partir de mai, les dahlias à l’automne... On a des fleurs uniques qui ne sont pas disponibles chez les importateurs, elles ne supporteraient pas les longs voyages. »
Se faire plaisir
Alice veut démocratiser les fleurs et décomplexer la fleuristerie pour « qu’on arrête de penser qu’un bouquet c’est juste pour offrir à sa grand-mère une fois par an ». Elle aimerait plutôt « qu’on s’offre des fleurs, pour soi-même ».
« Les fleurs, ça fait du bien au moral, ça apporte de la créativité et un sentiment d’appartenance à notre environnement. Je vois les fleurs de la même façon qu’une illustration que l’on va acheter et accrocher au mur, ou comme une séance de yoga. Quelque chose qui va profondément faire du bien. Quand on met un bouquet sur une table, on retrouve tout de suite cette connexion à la nature qui est inhérente à tous les humains. »
Un lieu d’apprentissage
La ferme a une capacité de production d’environ 60 bouquets par semaine. Entre mai et fin septembre, elle produira plus d’une soixantaine de variétés de fleurs pour les particuliers, les entreprises et les fleuristes qui veulent se fournir localement. À l’image des paniers bios, l’entreprise propose des abonnements pour en profiter toute la saison.
Les propriétaires espèrent aussi mettre en place des activités agrotouristiques pour accueillir le public et devenir un lieu d'apprentissage, d’éducation et de sensibilisation. Ils accueillent des étudiants en horticulture pour partager leurs connaissances et leurs expertises. « On a vraiment la volonté de partager, d'ouvrir les portes. La transmission des savoirs fait vraiment partie de l’ADN du projet. »
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