SuperSéro c'est un pseudo sur les réseaux sociaux, un podcast, une association et maintenant un dictionnaire. Derrière cet engagement, il y a Nicolas Aragona. C'est avec ces outils qu'il sensibilise, déconstruit et détricote les idées reçues sur le VIH, en offrant une information claire sur la séropositivité.
« Ça fait longtemps que je voulais prendre la parole, depuis que je sais que je suis porteur du VIH, il y a à peu près 15 ans. Je ne savais pas comment m'y prendre. Je me suis dit que j'aimerais bien donner la parole aux personnes vivant avec le VIH, notamment pour avoir une représentation et lutter contre la stigmatisation », explique-t-il.
La sérophobie, cette inconnue
Avec son compte SuperSéro, il a trouvé un moyen de parler de sérophobie et de donner de la visibilité aux PvVIH (personnes vivants avec le VIH) : « Rapidement, je me suis retrouvé comme étant la personne vivant avec le VIH qui est la plus visible en France, avec Andréa Mestre. Il y a tout le harcèlement, les menaces de mort et les insultes qui se sont un peu focalisées sur moi ». Avec cette visibilité, Nicolas a aussi connu le revers de la médaille des réseaux sociaux : « C'est vrai que les réactions ont été intenses mais je m'y étais préparé. Dans mon cas et contrairement à d'autres communautés, la haine et l'amour ne sont pas partagés ».
Il se rend compte à quel point la séropositivité est taboue : « J'ai eu de nombreuses demandes et questions. Mais surtout, j'ai pu me rendre compte qu'il y avait des personnes séropositives qui parlaient pour la première fois avec d'autres personnes séropositives ».
Nicolas aborde également la sérophobie - soit une attitude discriminatoire ou hostile envers les personnes séropositives – qui est encore méconnue, mais qui est bien réelle.
« Même les personnes qui sont engagées ont du mal à aborder ce sujet qui est encore extrêmement délicat. La sérophobie, c'est quelque chose dont on parle très peu. »
De la visibilité pour les PvVIH
Nicolas veut un espace médiatique pour que les personnes qui vivent avec le VIH puissent s’informer et prendre la parole.
« Le VIH est une infection qui est ultra taboue, il y a très peu de patients qui parlent et qui font des échanges d'expérience. »
Il rappelle d’ailleurs qu’une personne séropositive qui a un traitement peut mener une vie normale et que son espérance de vie est identique aux séronégatifs. Elle n’est pas contagieuse, peut avoir des enfants, et une mère peut même allaiter sans danger pour son enfant.
Les associations visibles dans la lutte contre le VIH - même si elles organisent des événements comme le Sidaction - semblent négliger les voix des personnes vivant avec le VIH. Nicolas déplore notamment le fait que ces associations ne sont pas dirigées par ceux qui vivent cette réalité et qu’elles privilégient la prévention à l'information.
« On se demande où est notre place.. (...) Nous vivons avec le VIH, nous faisons de l'éducation. Nous sommes des personnes concernées et nous essayons de faire bouger les choses et pourtant aucun d'entre nous n'a été invité le 1er décembre dernier au Sidaction. Il y a de nombreux médias qui parlent de cette journée-là, mais ils ne parlent jamais de sérophobie. »
Un dico pour vulgariser et démystifier le VIH
Nicolas Aragona ne s’est pas lancé dans l’écriture d’un livre témoignage mais il a misé sur un outil à caractère informatif.
« Je me suis décidé à écrire un petit dictionnaire, parce que je n'avais pas envie d'être dans quelque chose qui était de l'ordre du témoignage. ‘’ Moi, séropositif, mon parcours de vie’’, ça me gonfle un peu, et ce sont les seuls bouquins sur le VIH qui existent. C'est bien que ça existe mais je trouve que c'est très dépolitisé. Il n'y a pas que le parcours et l'expérience, il y a aussi une dimension politique et de revendication. »
Nicolas insiste : « Il faut également parler de l'intersectionnalité, les problématiques ne sont pas les mêmes pour un homme, une femme, une personne hétéro ou homo, ou encore pour les personnes racisées ».
Combattre par l'information
Si les campagnes de prévention contre le VIH sont nombreuses, Nicolas estime qu’elles sont contre-productives car elles cherchent à effrayer pour récolter des fonds, alimentent la sérophobie et découragent les dépistages. « Certains préfèrent ne pas savoir par peur du VIH », constate-t-il.
Pour lui, il serait plus utile de mener des campagnes d'information pour expliquer la réalité du VIH, briser les peurs, encourager les dépistages et ainsi réduire les risques de contamination.
Nicolas aimerait également voir naître des mesures pour lutter contre la sérophobie, notamment en créant une ligne téléphonique d’SOS sérophobie.
« Les premières personnes concernées, c'est nous. Il faut éduquer, il faut en parler car il y a des jeunes qui ne sont au courant de rien, ils pensent que le VIH se donne par la salive. »
Retrouvez SuperSéro sur TikTok, youtube ou soutenez l'association. Une cagnotte helloasso est ouverte pour financer le Positif Festival qui aura lieu le 10 mai 2025 à Paris, un événement unique en France dédié à la lutte contre la sérophobie et à une approche positive et inclusive du VIH.- « Il faut également parler de l’intersectionnalité, les problématiques ne sont pas les mêmes pour un homme, une femme, une personne hétéro ou homo, ou encore pour les personnes racisées. » ©Nicolas Aragona
- « Les premières personnes concernées, c’est nous. Il faut éduquer, il faut en parler. » ©Nicolas Aragona